La haute joaillerie décryptée

Un univers élitiste et mystérieux

Le terme « haute joaillerie » est de plus en plus utilisé, notamment dans le monde fermé des enchères de bijoux. Mais que recouvre-t-il exactement ? En quoi la haute joaillerie diffère-t-elle du bijou précieux classique ?

Il serait réducteur de la voir comme de simples bijoux onéreux. Certes, la haute joaillerie se compose de pièces rarissimes et exorbitantes. Pourtant, au-delà du prix, elle possède une aura unique, élitiste et mystérieuse. Même après 35 ans dans l’univers de la joaillerie, je dois avouer ne pas connaître de définition officielle faisant consensus. Je sais la reconnaître intuitivement, mais la décrire précisément reste ardu.

Tentative de définition

La haute joaillerie s’apparente en quelque sorte à la pornographie: difficile à définir académiquement, mais que l’on identifie au premier coup d’œil. Heureusement, tenter de cerner ses critères s’avère plus aisé que de définir la pornographie!

Tous s’accordent pour dire que la haute joaillerie se compose de pierres précieuses et de métaux nobles de qualité exceptionnelle. Elle résulte d’un travail méticuleux et virtuose, et revêt un caractère unique. Elle provient généralement de grandes Maisons historiques ou de créateurs-joailliers de renom.

Et bien entendu, elle coûte extrêmement cher. Mais au-delà de son prix prohibitif, elle a aussi la capacité de conserver voire d’accroître sa valeur avec le temps, comme peu d’objets ou d’actifs.

Des codes non écrits

Cependant, les seuls matériaux précieux, savoir-faire d’exception et griffe prestige ne suffisent pas à définir la spécificité de la haute joaillerie. Des codes plus subtils, jamais couchés sur le papier, régissent cet univers.

Ainsi, de grandes maisons historiques produisent à la fois des pièces de haute joaillerie mais aussi des collections plus abordables. Chez le joaillier new-yorkais Tiffany par exemple, la haute joaillerie ne représente qu’une infime partie du chiffre d’affaires, dominé par l’argenterie et l’or 18 carats destinés au grand public.

S’ils sont magnifiques et portent la prestigieuse griffe Tiffany, ces bijoux ne constituent pas de la haute joaillerie. Le site web de Tiffany prend d’ailleurs bien soin de différencier explicitement sa haute joaillerie du reste de ses créations. Une distinction que l’on retrouve chez la plupart des grandes maisons comme Cartier, Van Cleef & Arpels, Chopard, etc.

Le célèbre bracelet Love de Cartier, en or massif, coûte extrêmement cher comparativement à son poids, du fait de sa provenance. Bien que parfaitement conçu et précieux, il n’est cependant pas considéré comme un bijou de haute joaillerie. À l’inverse, les créations Cartier serties de diamants font sans conteste partie de la haute joaillerie. Et ce, même produites en série, du fait de la renommée de leur créateur.

Le temple de la Place Vendôme

Pour admirer une concentration exceptionnelle de haute joaillerie au mètre carré, la Place Vendôme à Paris s’impose!

Ce prestigieux quadrilatère niché dans le triangle d’or du 1er arrondissement fut créé en 1702 pour célébrer les succès militaires du Roi-Soleil. Dès son origine, la grandeur et l’exclusivité des lieux attirèrent les plus grandes marques de luxe: joaillerie, horlogerie, hôtellerie…

Aujourd’hui encore, la plupart des enseignes présentes sont des institutions joaillières françaises dont les boutiques Place Vendôme constituent les navires amiraux. Mais on trouve également les plus grandes marques de joaillerie internationales, ayant élu domicile dans le quartier.

Sur la célèbre Place ou dans les rues adjacentes, se côtoient entre autres: Cartier, Chopard, Chaumet, Boucheron, Van Cleef & Arpels, Buccellati, Graff, Bulgari, Tiffany & Co, Breguet, Patek Philippe… Sans oublier les enseignes de mode de luxe Dior et Chanel, dont les collections joaillières figurent parmi les plus prestigieuses.

JAR, l’inaccessible étoile

S’il fallait n’élire qu’un seul créateur pour symboliser la haute joaillerie contemporaine, le choix des experts se porterait sans conteste sur JAR (Joel Arthur Rosenthal).

Cet artiste-joaillier américain s’est expatrié à Paris dans les années 1970, ville où il réside et travaille encore aujourd’hui à plus de 80 ans. JAR est considéré comme le digne héritier du légendaire Peter Carl Fabergé, le bijoutier attitré des Tsars.

Sa renommée tient autant à son talent fou qu’à son aura de mystère savamment entretenue. JAR ne se montre pour ainsi dire jamais en public, refuse catégoriquement toute interview, et interdit qu’on photographie ses créations. Sa boutique n’arbore ni vitrine ni enseigne. Seuls quelques privilégiés seront admis après recommandation.

Son exigence artistique frôle la démesure : il lui arrive de refuser de vendre une de ses pièces, même pour des sommes astronomiques. S’il estime que l’acquéreur potentiel n’a pas suffisamment de sensibilité artistique pour posséder et apprécier à sa juste valeur l’une de ses créations uniques.

Matériaux précieux et ordinaires

Autre caractéristique de la haute joaillerie d’avant-garde: le mélange audacieux de matériaux précieux et ordinaires.

Ainsi, l’Américain Daniel Brush est considéré comme l’un des artistes-joailliers parmi les plus en vue et cotés. Pourtant, il n’hésite pas à associer dans ses pièces des diamants de qualité exceptionnelle avec de la bakélite bon marché, comme dans son fameux « Bunny Bangle ».

On le voit également incorporer de l’acier, de l’aluminium voire du titane à l’or et aux pierres fines. Peu importe la valeur brute des matières, c’est avant tout le talent créatif de l’artiste qui élève ces parures au rang d’œuvres d’art.

De même, le Hong-Kongais Wallace Chan mélange allègrement or, jade, porcelaines, et même résine ou rhodoid dans ses spectaculaires pièces futuristes serties de pierres précieuses.

Ainsi, de grands noms comme Brush, Chan ou encore la designer Michelle Ong peuvent se permettre d’expérimenter en toute liberté, tout en restant associés au prestige de la haute joaillerie. Le talent et la créativité priment sur les conventions.

Quelques maisons de haute joaillerie

Outre les stars contemporaines que sont JAR, Brush, Chan ou Ong, d’autres créateurs et maisons ont contribué à écrire la légende de la haute joaillerie, hier comme aujourd’hui.

Aux États-Unis, la maison new-yorkaise Oscar Heyman, surnommée le « joaillier des joailliers », réalise depuis 5 générations les pièces de haute joaillerie d’autres prestigieuses marques. Mais elle produit également ses propres collections d’exception, et compte parmi ses fidèles clients le chanteur Billy Porter.

En France, ils sont nombreux à s’être illustrés dans cet art subtil de la haute joaillerie. Le Joaillier Pierre Sterlé crée des pièces d’une sophistication extrême pour une clientèle internationale.

Dans un style plus baroque, le duo de créateurs Les Lalanne sculpte des bijoux d’art singuliers où s’entremêlent or, diamants et figurines animalières.

La maison Mellerio, fondée en 1613, est la plus ancienne joaillerie de luxe au monde encore en activité. Fournisseur officiel des cours d’Europe, elle marie avec virtuosité création contemporaine et patrimoine historique.

Enfin, on ne saurait oublier l’emblématique maison Chaumet. Présente Place Vendôme depuis 1780, elle fait rayonner dans le monde entier l’élégance à la française et le savoir-faire joaillier national. Ses archives regorgent de pièces historiques remarquables.

Voilà un aperçu de l’univers à la fois élitiste et fascinant de la haute joaillerie. À n’en pas douter, de prochains articles permettront d’y voir plus clair dans cet art des plus luxueux!

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